Booking.com, plateforme leader sur le marché de la réservation de chambres d’hôtel en ligne, vient de faire marche arrière sur sa décision unilatérale de payer les commissions exigibles en devises et non plus en dirhams constants. Après de longues négociations, la plateforme et les hôteliers marocains sont parvenus à un accord qui préserve les intérêts des opérateurs nationaux.
Issue favorable au bras de fer entre Booking.com et les hôteliers marocains. Entre la plateforme de réservation et les opérateurs marocains, regroupés au sein de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH), une solution de compromis a en effet été adoptée. Au terme de négociations prolongées, les deux parties sont parvenues à un accord qui préserve les intérêts des hôteliers marocains.
Booking.com prend en charge les frais de transfert des commissions par les hôteliers marocains
Comme nous l’explique Ali Kadiri, président de l’Association régionale de l’industrie hôtelière de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (ARIH-TTA), «l’accord conclu entre les hôteliers marocains et Booking.com prévoit la prise en charge par cette dernière des frais de transfert des commissions, notamment les frais de virement bancaire, les frais de port de la lettre et les frais de Swift». M. Kadiri souligne également que Booking.com a entrepris des démarches pour ouvrir un compte en dirhams au Maroc et, dans l’intervalle, la plateforme supportera les coûts liés au transfert des commissions. Au sujet de la retenue à la source (RAS) sur le transfert des commissions en devises, le président de l’ARIH-TTA nous indique que Booking.com en est exonéré, étant donné que son siège social se trouve aux Pays-Bas et qu’il existe une convention de non double imposition entre le Maroc et ce pays européen.
La Direction générale des impôts avait, pour rappel, en avril 2015, répondu à une lettre lui demandant de clarifier le traitement fiscal applicable aux commissions versées par des maisons d’hôtes marocaines à la société Booking.com résidente aux Pays-Bas en contrepartie de prestations de services, en indiquant que «les produits bruts perçus par les personnes physiques ou morales non résidentes sont soumis à la RAS au taux de 10%, conformément aux dispositions des articles 4-III, 5-II, 15 et 19 du Code général des impôts marocain (CGI)». Toutefois, souligne la DGI, «au regard de la convention de non double imposition Maroc/Pays-Bas, et compte tenu de la nature des services fournis aux maisons d’hôtes marocaines, la société néerlandaise Booking.com n’est pas imposable au Maroc au titre des services précités». Ainsi, ajoute la Direction, «les commissions payées à Booking.com en contrepartie desdits services ne sont pas passibles de la RAS. Toutefois, il est à signaler que dans le cas où la société Booking.com disposerait d’un établissement stable au Maroc et que lesdites commissions y sont rattachées, lesdites commissions seront imposables au Maroc selon les dispositions du droit commun».
Interdire à Booking.com de commercialiser des chambres d’hôtel au Maroc à des Marocains ?
La décision unilatérale de Booking.com d’exiger des hôteliers marocains qu’ils paient toutes les commissions en devises ne prend pas en compte le fait que la majorité des réservations au Maroc sont effectuées par des résidents qui paient leurs séjours en dirhams. Dans leur lettre adressée au ministère du Tourisme le 14 juillet dernier, les hôteliers avaient insisté sur ce point, soulignant que «la majorité des recettes encaissées par les hôtels via Booking.com proviennent de réservations effectuées par des Marocains et, par conséquent, le chiffre d’affaires est réalisé en dirhams». Et suite à ce bras de fer entre Booking.com et les opérateurs nationaux, des appels ont été lancés pour que Booking.com soit interdit de vendre des chambres au Maroc à des Marocains, comme c’est le cas en Turquie depuis 2017, lorsque la justice turque avait interdit à la plateforme de vendre des chambres d’hôtel en Turquie à des Turcs.
Booking.com, une plateforme incontournable
Si Booking.com est décrié pour sa position d’hégémonie, notamment vis-à-vis des agences de voyages, Zoubir Bouhout, expert en tourisme, relève néanmoins que cette plateforme est devenue incontournable dans le monde entier. «Cette plateforme dépense près de 5 milliards de dollars en publicité chaque année. Elle a établi sa présence partout dans le monde, commercialisant près de 29 millions de chambres», dit l’expert, affirmant même qu’«aujourd’hui, si un pays décide de se passer de Booking.com, il n’aura tout simplement pas de touristes». Maintenant, poursuit M. Bouhout, les hôteliers marocains ont annoncé qu’ils allaient tenir d’autres réunions avec Booking.com pour «échanger autour d’autres points comme le taux des commissions, et je ne peux qu’encourager cette démarche de communication entre les deux parties».
Ali Kadiri note également, de son côté, que «dans les perspectives à venir, nous allons engager des discussions concernant tous les points importants relevés pas les hôteliers marocains pour parvenir à une relation plus équitable et moins contraignante que celle d’aujourd’hui».